Le Brésil joue en faveur de la vie

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Brésil : « Jouer en faveur de la vie » à l’occasion du Mondial de football
Une équipe internationale pour combattre la traite des personnes
Anita Bourdin

Source Zenit.org
ROME, 20 mai 2014 (Zenit.org) – L’équipe nationale de la Conférence des Religieux du Brésil (CRB Nacional) « joue en faveur de la vie et de la dignité humaine » à l’occasion du Mondial de football, qui démarre le 12 juillet.
La traite des êtres humains, qui a été dénoncée par le pape François comme un « crime contre l’humanité », augmente en cas d’événements mondiaux : lors du mondial de football en Allemagne, l’augmentation a été de 30 %, et en Afrique du Sud de 40%.
Le trafic est lié au travail infantile, au tourisme sexuel ou sportif, à l’ablation d’organes, au travail forcé, le service domestique, aux enfants soldats, aux adoptions illégales.
La campagne internationale, auprès des joueurs, des supporteurs, des jeunes vulnérables, et de l’opinion publique, a été présentée ce mardi matin, 20 mai au Vatican par le cardinal brésilien Braz de Aviz, préfet du dicastère pour la Vie consacrée, et par des trois religieuses engagées dans ce combat au niveau international : Soeur Carmen Sammut, MSOLA, présidente de l’Union Internationale des Supérieures générales (UISG) ; Soeur Estrella Castalone, FMA, des Philippines, coordinatrice du réseau « Talitha Kum » ; et Sœur Gabriella Bottani, SMC, Combonienne travaillant au Brésil, coordinatrice de « Un jeu pour la vie ». Mme Antoinette C. Hurtado représentait l’ambassade des Etats Unis près le Saint-Siège qui soutient cette initiative.
Celle-ci est promue par le Réseau international de la vie consacrée contre la traite des personnes « Talitha Kum » – « Petite fille, lève-toi » – : paroles adressées par le Christ, en araméen, une petite fille qu’il a rappelée à la vie (Evangile selon saint Marc 5, 40-43).
C’est pourquoi la campagne « Joue en faveur de la vie, dénonce le trafic des personnes » est lancée aujourd’hui en vue de la Coupe du monde de football au Brésil, avec cette invitation : « joue contre cette pratique criminelle ». Avec deux numéros téléphoniques.
Elle est lancée par le Réseau des communautés religieuses du Brésil, un réseau intitulé : « Un cri pour la vie ». Il dénonce cette « pratique criminelle à des fins d’exploitation sexuelle, de travail esclave, de trafic d’organes, d’adoptions illégales ».
Le réseau a maintenant six ans et il combat cette « réalité inhumaine », en premier contre le trafic à des fins d’exploitation sexuelle, à travers des actions préventives de sensibilisation, d’organisation, de participation et de mobilisation sociale. Il agit en partenariat avec des organisations gouvernementales ou non, d’autres organisations de la société civile : une « équipe qui joue en faveur de la vie et de la dignité humaine ».
Selon les chiffres de l’ONU, c’est une des activités illégales les plus lucratives : 32 millions de dollars par an. Globalement les victimes sont 27 millions, selon les Etats-Unis.
Et, selon l’UNDOC, la fin du trafic est majoritairement l’exploitation sexuelle et 76 % des victimes sont du sexe féminin, 26 % étant des enfants et des mineurs, 13 % des hommes.
Un évènement significatif pour la vie consacrée
Le cardinal Braz de Aviz souligne que cette mobilisation constitue un « évènement particulièrement significatif pour la Vie consacrée ». Il « manifeste l’harmonie de la Vie consacrée avec le sentiment du Saint-Père face à un crime qu’il définit comme « une plaie dans le corps de l’humanité contemporaine » (10 avril 2014). Et il « incite à l’engagement » pour soulager les victimes.
Le pape en a parlé dès sa bénédiction Urbi et Orbi du 31 mars 2013, dénonçant la traite des personnes comme « l’esclavage le plus répandu dans ce XXIe s. », rappelle le cardinal brésilien qui cite d’autres interventions du pape.
Dans Evangelii Gaudium, il a dénoncé le trafic de drogue, les abus et l’exploitation des jeunes (75).
Le cardinal Braz de Aviz souligne que « la vie consacrée est spécialement touchée par cette réalité » parce qu’elle ne devrait pas être « centrée sur elle-même », mais « s’engager au service des plus vulnérables à l’exemple  de Jésus ». Il s’agit « d’offrir à l’humanité des témoignages crédibles de l’espérance chrétienne », « en rendant visible » Dieu qui « n’abandonne personne ». « Nous travaillons et nous combattons parce que nous avons placé notre espérance dans le Dieu vivant » (cf. Congrès de la Vie consacrée, 2004).
« Les religieux et les religieuses sont engagés, a expliqué le cardinal Braz de Aviz, dans le monde entier, dans leur mission au milieu de toutes les formes de pauvreté et ils touchent de leurs mains l’humiliation, la souffrance, les traitements inhumains et dégradants infligé aux femmes, aux hommes et aux enfants par cet esclavage moderne. Ils se sentent interpellés et c’est pour cela que Talitha Kum a été constitué par l’Union internationale des Supérieures générales » (UISG).
Il conclut : « Grâce à Talith Kum, la vie consacrée s’unit au Saint-Père avec les gestes du Bon Samaritain : verser l’huile de ce qui est saint et le vin de ce qui est humain sur les blessures de l’humanité pour apporter l’amour rédempteur de Dieu et l’espérance d’une vie nouvelle. Voilà l’invitation que nous vous faisons à tous : unissons nos forces pour libérer les plus vulnérables de cet esclavage de la traite, afin que « personne ne soit exclu de la joie apportée par le Seigneur » (Evangelii Gaudium, 3). Voilà la motivation la plus profonde de la Campagne que nous commençons aujourd’hui officiellement. »
L’engagement des Etat-Unis
Mme Antoinette Hurtado a adressé un message de soutien à la campagne, au nom de l’ambassadeur des Etat-Unis près le Saint-Siège, M. Kenneth Francis Hackettt, dénonçant, à la suite du pape François ce « crime contre l’humanité ». Et ces trafics sont liés à d’autres problèmes, comme l’environnement, le crime organisé international… Il s’agit d’y « mettre fin » et de « libérer les personnes réduites en esclavage ». Le Secrétaire d’Etat John Kerry a également dénoncé cet “esclavage moderne” et il a annoncé la collaboration du Département d’Etat avec la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis en vue de coordonner les efforts de l’Eglise pour combattre ce crime.
Elle a conclu en disant: « Nous sommes heureux d’être partenaires avec vous dans cette campagne et nous souhaitons à Talitha Kum un succès continu. »
Alerter l’opinion publique mondiale
Sœur Carmen Sammut a pris la parole au nom de l’UISG, invitant à « agir ensemble au nom de la dignité humaine » : « Nous croyons dans la dignité et la liberté de tout être humain », et « nous avons rencontré des femmes et des hommes qui ont été vendus comme des objets sexuels dans d’autres pays et qui ont besoin d’aide pour sortir de l’enfer qu’ils vivent. »
« Nous avons besoin de rendre les gens conscients de ce qui se passe en marge de grands événements mondiaux comme la Coupe du monde de la FIFA et de la souffrance de ceux dont on fait le trafic. Sans cette prise de conscience, si l’on n’agit pas ensemble en faveur de la dignité humaine, la finale de la Coupe du monde deviendra une terrible honte au lieu d’’une fête de l’humanité. »
Elle invite à « alerter l’opinion publique » : cette initiative a besoin d’une « bonne couverture » de la part de la presse.
Le réseau Talitha Kum
Sœur Estrella Castalone a présenté le réseau Talitha Kum, ce Réseau international de la vie consacrée contre la traite des personnes, comme « RENATE » en Europe, ou, au Canada « CATHII », ou au Sénégal : « Main dans la main », pour ce qui est de la francophonie.
Il s’agit de « partager et optimiser les ressources de la vie religieuse à travers intervention de prévention et dénonciation, d’assistance aux victimes et aux personnes vulnérables ». Après 5 ans, Talitha Kum rassemble 24 réseaux, 79 pays, 800 religieuses et religieux 240 congrégations, pour arrêter la traite des personnes. « Notre mission devient urgente, explique la religieuse, parce que le Saint-Père nous stimule : « Je désire affronter avec vous une question qui me préoccupe beaucoup et menace la dignité des personnes (…). Une vraie forme d’esclavage toujours plus répandue qui touche tous les pays et les personnes les plus vulnérables de la société : femmes, enfants, handicapés (…), victimes de la désagrégation familiale et sociale. Aujourd’hui, l’être humain est objet de consommation, dans une société du rebut. »
Les mots d’ordre sont protection, prévention, partenariat, face à un réseau criminel bien organisé. Talitha Kum veut « tisser ensemble les ressources de la vie religieuse avec les autres ressources de la vie religieuse pour aider les personnes impliquées dans la traite ». Voilà les objectifs de sa campagne contre la traite à l’occasion du mondial de foot au Brésil. L’industrie du tourisme est mobilisée : hôtels, bars, restaurants, transports de marchandises et personnes, notamment pour ce qui concerne les offres d’emploi, les opportunités de travail, des pays limitrophes, des régions rurales…
« Nous nous engageons pour arrêter la traite des personnes durant le Mondial du Brésil », insiste la religieuse.
Les religieux engagés dans cette campagne sont 250, avec leurs partenaires laïcs. Un séminaire de préparation a eu lieu en novembre 2013, à Brasilia pour cette plate-forme.
Il s’agit aussi, insiste la religieuse de « réveiller la conscience du public sur la traite et le plus possible en vue de la prévention durant cet événement sportif mondial ».
Elle lance une invitation à tous à être solidaires pour « mettre fin à cette esclavage horrible, à l’invitation du Saint-Père ».
« Ensemble, dit-elle, nous pouvons et devons nous engager pour mettre fin à cet horrible commerce, c’est un crime contre l’humanité : nous devons unir les forces pour libérer les victimes et arrêter ce crime. »
Campagne au Brésil, un cri pour la vie
Les évêques du Brésil ont préparé cette campagne grâce à leur Campagne de Fraternité de carême, à laquelle le pape François a répondu par un message où il répète qu’il n’est pas possible de « rester impassible » face à cette « plaie sociale », rappelle sœur Gabriella Bottani.
Au Brésil ; la campagne de Talitha Kum, avec pour slogan « un cri pour la vie » touche 19 des 26 Etats fédéraux. Des groupes de religieux, de religieuses et de laïcs collaborent activement avec les ONG et les organisations gouvernementales pour des actions préventives de prise de conscience, dénonciation de la traite et réinsertion psycho-sociale des victimes.
Il s’agit aussi de contribuer à former les consciences, à proposer des chemins de libération et rachat.
La Campagne de Fraternité, avec pour thème « C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés » a permis une « action capillaire » de toutes les communautés chrétiennes, instruments et compétences, pour dénoncer les situations de traite.
« Nous ne pouvons pas rester passif, mais nous mobiliser comme chrétiens et citoyens pour éradiquer et racheter la vie des filles et des fils de Dieu », insiste sœur Gabriella.
Jouer en faveur de la vie
Le Brésil est un pays d’origine, de transit, de destination des personnes victimes de la traite, à l’intérieur et hors frontières, notamment en Amazonie et sur littoral du Nordeste : des jeunes femmes venant de familles pauvres, ayant peu études, ont le profil typique des victimes de l’exploitation sexuelle. Sous différentes formes : tourisme à but sexuel, exploitation de la prostitution de mineurs, qui ouvre la porte au trafic international.
La Coupe du monde se disputera dans 12 villes qui sont des routes de tourisme sexuel et de prostitution des jeunes. Mais peu d’information est disponible pour les moyens de communication, fait observer sœur Gabriella. Ce manque d’information rend la traite un phénomène « quasi imperceptible » : des femmes deviennent « objet du plaisir sexuel », victimes de « la logique du marché », qui met « le profit au-dessus des personnes », dénonce la religieuse italienne depuis quelques années au Brésil.
Elle dénonce les « fausses promesses de travail » par lesquelles les jeunes sont trompés.
Elle rappelle que la rencontre les nations pour la Coupe du monde est un « moment pour célébrer la rencontre entre les peuples, la beauté du jeu » et les réseaux religieux veulent faire de la Coupe « un espace positif pour la culture des droits et de la vie ».
Ils mobilisent notamment les réseaux sociaux dont une page facebook, pour informer et indiquer comment intervenir.
Les tracts seront distribués dans les moyens de transports, les ports, les gares, les aéroports, les lieux touristiques, y compris par une information aux media d’autres pays, notamment Colombie, Pérou, auprès des personnes en situation de risque.
La « Vie consacrée et Eglise accompagnent ce grand événement, qui offre une opportunité de rencontre universelle », en manifestant « la valeur profonde du sport », et une « invitation à réfléchir sur la vie et le dialogue des cultures et des peuples ».
Sœur Gabriella invite à « élever sa voix » car « tous ont le droit de vaincre » – contrairement à la Coupe qui n’ira qu’à un vainqueur – pour avoir « vie en abondance », maison, soins de santé, écoles, travail digne, migration, liberté …
Voilà ce que signifie, pour Talitha Kum, « jouer pour la vie », et contre la traite et l’exploitation.

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