Le médecin et l’objection de conscience
Défendre le droit des médecins de ne pas pratiquer l’eugénisme
Communiqué de l’ECLJ: Paris le 21 mars 2016
Vendredi 11 mars, avec le soutien de l’ECLJ, un médecin espagnol a déposé à la Cour européenne des droits de l’homme une requête visant à faire reconnaître la violation de sa liberté de conscience.
Le requérant a toujours refusé de participer à des avortements, pour motif de conscience. En 2008, tandis qu’un programme de dépistage des anomalies congénitales était mis en place en Andalousie, son chef de service l’a obligé à assurer quotidiennement la consultation de diagnostic prénatal. Pourtant, ce diagnostic constitue la première étape dans le processus qui conduit, si une maladie ou une malformation sont dépistées, à un avortement en raison du patrimoine génétique ou de l’état de santé de l’enfant. La procédure prévoit que le diagnostic doit être établi par deux médecins, et l’avortement exécuté par un troisième. Le lien entre le dépistage et l’avortement est établi à la fois dans la loi et dans la pratique : 90 % des fœtus atteints détectés étant avortés.
L’éthique médicale exigeant du médecin qu’il agisse toujours selon sa conscience, le requérant a demandé à la justice espagnole de faire reconnaître son droit à l’objection de conscience, sans succès. Il refuse non seulement de participer à un avortement, fût-ce à la première étape de la procédure, mais aussi de procéder à la sélection eugénique des enfants à naître.
Si le refus de participer directement à un avortement est globalement admis, la Cour européenne ne s’est encore jamais prononcée sur l’objection de conscience au diagnostic prénatal à but eugénique. Cette requête arrive alors que l’ECLJ vient d’organiser à Genève une conférence sur l’objection de conscience en matière médicale. Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion et de conviction s’est prononcé en faveur d’un large droit à l’objection de conscience dans le domaine médical.
L’ECLJ travaille depuis longtemps sur la question de l’eugénisme et sur celle de l’objection de conscience en matière médicale. Il a notamment élaboré un rapport pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la question en 2010. Par ailleurs, outre des tierces interventions dans de nombreuses affaires devant la Cour européenne (notamment A.K. et Costa et Pavan en 2012), il a organisé au Conseil de l’Europe en 2011 une conférence, à laquelle participait le requérant, sur la situation de la liberté de conscience des personnels médicaux en Espagne. A cette occasion, l’ECLJ et l’ANDOC (association espagnole de défense de la liberté de conscience) ont présenté un rapport sur les violations de la liberté de conscience des personnels médicaux en Espagne. En 2015, l’ECLJ a saisi le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion et de conviction de la situation des personnels médicaux en Suède, où l’objection de conscience à l’avortement est interdite