Entretien avec Stanislas Mouneau, directeur diocésain adjoint pour l’Enseignement Catholique
Les parents sont les premiers éducateurs. Mais ils ne doivent pas être laissés seuls ; la communauté chrétienne est appelée à être à leurs côtés pour qu’ils sachent enseigner aux enfants à vivre, conformément aux critères de la dignité de la personne humaine et du bien commun. Ce souci est évidemment porté par les établissements d’Enseignement catholique.
Dans un contexte parfois conflictuel, l’école et ses projets de réformes sont pris à parti. Cependant, l’Enseignement catholique semble accueillir favorablement certains des changements annoncés.
Face aux polémiques, Pascal Balmand, Secrétaire général de l’Enseignement catholique a effectivement proposé un texte clair [1], appelant « l’Enseignement catholique à accueillir favorablement le nouveau socle commun et la réforme des collèges, qui paraissent à même de favoriser l’autonomie des établissements, de faire évoluer la mission de transmission de l’École (…) et de rénover le métier de professeur en développant l’articulation entre enseignement et éducation. » La loi de refondation de l’École, votée en 2013 et progressivement mise en oeuvre, vise à réduire les inégalités et à favoriser la réussite de tous. Sa mise en oeuvre comprend différents volets, parmi lesquels :
Le nouveau socle commun favorise une thématique portée par l’enseignement catholique sur le projet de la formation intégrale de la personne ainsi que l’articulation entre l’école et le collège.
La réforme de l’organisation du collège, insiste sur la combinaison de connaissances théoriques et pratiques. Les enseignements pratiques interdisciplinaires confiés à plusieurs enseignants permettent à l’élève de se mettre en projet et d’être acteur de ses apprentissages. Cette réforme développe également une autre thématique au coeur de notre projet qu’est l’autonomie des établissements, en dégageant 20 % du temps pour favoriser une pédagogie personnalisée. Une présentation peut-être maladroite et un « langage » technocratique a focalisé l’attention des médias, notamment sur la part des langues vivantes et anciennes.
La réforme des programmes scolaires du collège, qui sera soumise à une large consultation et portée par le Conseil Supérieur des Programmes. Il s’agit principalement de laisser aux professeurs la liberté d’organiser les enseignements en prenant en compte les besoins propres des élèves, chacun des domaines amenant une contribution transversale, d’où le questionnement fort légitime sur les thèmes obligatoires ou facultatifs auxquels nous serons attentifs (pour exemple, programme d’histoire reléguant la part du christianisme dans la construction de la culture et de la société occidentale… ).
Autonomie et subsidiarité dans les établissements, interdisciplinarité et cohésion de la communauté pédagogique… Ces dimensions rallient-elles donc les convictions de l’Enseignement catholique ?
Ces réformes rejoignent et s’appuient sur nos pratiques. Elles nous demanderont de toujours plus cultiver notre souplesse, notre créativité. Nous faisons notamment l’expérience de cette capacité d’adaptation, dans le diocèse, à l’occasion de la réorganisation des rythmes scolaires en école primaire : dont nous faisons l’expérimentation, sans nécessairement devoir être soumis à la règle arithmétique prévalente de l’enseignement public. Je peux à ce titre saluer l’investissement des enseignants et des chefs d’établissement qui, au cas par cas, proposent une organisation pédagogique dont le postulat consiste à s’appuyer sur le rythme naturel des enfants, en prenant en compte leur environnement (besoins et changements actuels dans les familles, contraintes des communes et intercommunalités, centre de loisirs… ). Parmi les enjeux mis en évidence par la réforme du collège, nous sommes très concernés par la question du maillage territorial dans les zones rurales du Tarn. Un regroupement s’opère de plus en plus autour de pôles urbains. Si la question de l’éloignement se pose parfois, il devient en même temps nécessaire d’éviter l’isolement des établissements et de travailler à une mise en réseau.
La transversalité est au cœur de l’Enseignement catholique : enseignants, parents d’élèves, organismes de gestion avancent ensemble, élaborent des décisions communes, répondent à une vocation sociale… Conjointement, ils ont à témoigner d’une forme originale de l’éducation, qui reconnaît un apport chrétien spécifique dans la construction humaine. La dimension chrétienne manifeste une vision originale de l’homme et cette anthropologie pourrait être encore développée dans les établissements, par exemple grâce à de nouvelles formations adaptées auxquelles nous réfléchissons.
Les différents points évoqués participent à la « refondation de l’École ». Je partage la conviction de Pascal Balmand qui affirme que « les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques sauront faire preuve de créativité (…) pour utiliser à bon escient, dans l’intérêt des jeunes, les espaces de liberté qui leur seront offerts ». Les établissements d’Enseignement catholique du Tarn déploient leurs compétences et leur audace pour permettre à chacun, dans le respect de règles communes, de grandir dans l’amour et la vérité et, ainsi, d’accéder à « une vie pleine et libre, une vie digne de l’homme [2] » .
Stanislas Mouneau est Directeur diocésain adjoint de la Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique (DDEC) d’Albi
[1] La Lettre de l’Enseignement catholique, numéro spécial Mai 2015 > Texte complet
[2] Statut de l’Enseignement catholique en France, avec citation du Concile Vatican II, Gaudium et Spes