Toulouse : le principe de bienveillance
Tugdual Derville
Lundi soir 7 avril 2014, à l’Espace Duranti de Toulouse, a eu lieu le coup d’envoi du Tour de France du mouvement d’Ecologie Humaine. Coïncidence fortuite ou non, cet évènement s’est déroulé alors que débutait la semaine du développement durable, manifestation phare et temps fort de l’écologie institutionnelle.
Benoît de Maupeou, relais local du mouvement, accueillait le premier invité de ce Tour de France, Tugdual Derville. Le contexte social et économique actuel se traduit par un délitement du vivre ensemble dans un environnement très technique et très normé, au détriment de la créativité et de l’action individuelle. Tout l’enjeu de ce mouvement est de passer d’une posture de protestation qui s’est déployée ces derniers mois à travers les mouvements comme la Manif pour Tous, Les Veilleurs, à une dynamique de reconstruction.
Qu’est-ce que l’Ecologie humaine ?
Le mouvement Ecologie humaine a vu le jour il y un an à la suite de la rencontre de 3 personnes, voir ci-dessous. Il est « un courant de réflexion au service de l’action. L’Ecologie Humaine s’intéresse à ce qui constitue « tout homme et tout l’homme », pour promouvoir les politiques, les modes de vie et les pratiques qui prennent soin de l’humanité ».
Discerner ce qui fait l’essence de l’homme
« Pluridisciplinaire, l’écologie humaine mobilise la philosophie, l’éthique, le droit, l’économie, les sciences humaines et les sciences de la nature etc., pour discerner ce qui fait l’essence de l’homme. Ouverte à tous, elle considère l’homme et son humanité comme un précieux patrimoine commun que chaque génération doit accueillir pour en prendre soin et le transmettre dans son intégrité aux générations futures ».
Replacer l’homme au cœur de la société comme mesure de toute chose.
Après avoir défini ce qui fonde l’humanité, l’Ecologie humaine s’attache à redonner à l’homme sa vraie place dans la société. « A l’heure où la nature de l’homme est menacée, l’écologie humaine relève un défi politique majeur : placer l’homme et son humanité au cœur de la société, comme mesure de toute chose ».
Les 3 initiateurs du mouvement : Tugdual Derville, Pierre-Yves Gomez, Gilles Hériard Dubreuil
Le mouvement a été lancé par 3 personnes, Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita, association qui œuvre au profit des plus fragiles de notre société, bébés, malades atteints de maladie génétiques, personnes en fin de vie, handicapés. C’est ensuite Pierre-Yves Gomez, économiste et directeur de l’Institut français de gouvernance des entreprises, qui a mis le doigt sur cette déviance importante de notre économie financiarisée à outrance où le salarié est considéré comme une variable d’ajustement. Il s’agit de trouver une alternative à cette spirale libérale et libertaire qui étouffe l’individu. Enfin, le 3ème homme est Gilles Hériard Dubreuil, mathématicien et chercheur en sciences humaines, qui a développé une aide spécifique pour les populations de Tchernobyl, les incitant à réfléchir, à travailler et à choisir ensemble leur destin. Pour ce spécialiste du Long terme, il est primordial face à une société qui se délite et qui fond comme la banquise du réchauffement climatique, de co-construire ensemble notre avenir, sans tout attendre de l’Etat providence. Il s’agit de sortir de la méfiance et de la culture de conflit engendrée par les rapports de force qui existent souvent au niveau des partis politiques, pour passer au principe de bienveillance.
Le principe de bienveillance
Pour Tugdual Derville, le principe de bienveillance veut inverser le regard ordinaire porté sur les événements, les faits, les individus, les choses en général. Au-delà des rapports de force qui dominent habituellement, l’être humain trouve son épanouissement dans le fait de donner gratuitement. Il s’agit de repérer les bonnes pratiques dans des domaines aussi divers qu’art et culture, finances, agriculture, habitat-architecture, éducation-enseignement, sciences et technologie, gouvernance démocratique, consommation… Ces bonnes pratiques doivent être rédigées au sein d’un cahier de bienveillance, au plus près des personnes.
Ce regard de bienveillance s’est développé pour Tugdual Derville à partir de son expérience personnelle sur la vulnérabilité. « J’ai vécu avec mon père devenu grabataire des moments de tendresse inoubliable ; mon père m’a donné une leçon de faiblesse, de vulnérabilité. Cette vulnérabilité m’a conduit à mettre en lumière trois primautés : celle de l’être sur l’avoir, celle de la relation sur l’activité et enfin celle de la tendresse sur l’autonomie. » Un regard ontologique sur autrui permet de mettre en œuvre une capacité d’émerveillement devant chaque être rencontré. C’est bien souvent dans la vulnérabilité que naît le lien social ; une panne d’électricité dans un immeuble rapproche les gens qui en temps ordinaire ne se parlent pas; on cherche ensemble les bougies ou les lampes électriques…
Les Assises de l’Ecologie Humaine les 15 et 16 novembre prochains
Le mouvement d’Ecologie Humaine veut être ce creuset, ce lieu de repérage de bonnes pratiques dans les différentes cellules de réflexion ou alvéoles. Ces bonnes pratiques émergeront des lieux de vie de chacun, des lieux de travail, depuis la base. Cette rédaction des bonnes pratiques dans des cahiers de bienveillance permettra la tenue les 15 et 16 novembre prochains des Assises de l’Ecologie Humaine.
Un témoignage à 3 voix
Michel et la régie de quartier : agir au plus près de ceux qui sont à la marge
Michel préside Desbals services, la régie de quartier de Bagatelle, la Faourette, Papus, Tabar, Bordelongue ; sur un territoire urbain de 18 000 habitants et dont le taux de chômage est supérieur à 40 % ; il emploie 48 salariés dans 4 domaines d’activité : voirie, espaces verts, nettoyage et entretien d’immeubles de bureaux et d’appartements et aussi lien social. Son taux de retour à l’emploi est de 50%. Il gère aussi le BAB, bar associatif de Bagatelle qui a « pacifié » la place de la Gironde ; ouvert du lundi au vendredi de 16h à 22h, il propose un repas sur réservation le vendredi à midi. Les points positifs sont une équipe dirigeante motivée avec un conseil d’administration soudé, un accord d’intéressement profitant à tous les salariés, des résultats économiques positifs, une notoriété qui se vérifie pour la soumission aux appels d’offres, le plus important employeur du territoire. En conclusion, la régie de quartier participe au mieux vivre ensemble dans le quartier et se refuse à baisser les bras en acceptant la fatalité ; elle veut agir parmi ceux qui sont le plus à la marge de la société. « Certes ce n’est qu’une goutte d’eau, mais les gouttes font les ruisseaux… ». « Pour l’entretien de vos jardins de vos espaces verts, n’hésitez pas à venir nous solliciter », insiste Michel à la fin de son vibrant témoignage.
Carine : pour une restauration du lien mère-enfant
Carine est à la fois mère de famille nombreuse, épouse et chef d’entreprise dans l’alimentation. Après un tour du monde avec son mari et ses enfants pendant 5 ans, elle est revenue vivre en France. Elle reconnaît que notre pays la France est un pays magnifique mais paradoxalement, « on n’est pas si libre que cela car on n’est pas responsable ». Pour elle, « tout est joie à partir du moment où on a retrouvé son pouvoir. Les femmes en Afrique ou ailleurs, ont su garder cette confiance que nous n’avons plus ; on s’est coupé du lien profond avec nous-mêmes. » Exemple aussi de l’allaitement adopté par seulement 3% des femmes en France. Avec le mouvement d’Ecologie humaine, il s’agit de retrouver le pouvoir dans une société sans la rejeter. Le statut de la mère au foyer est un vrai sujet de débat ; les femmes africaines m’ont donné des vraies leçons de vie : « Dans vos pays, vous ne méritez pas d’avoir des enfants ; vous vous attachez à la couleur des rideaux ? Fait-il ses nuits est la première question que l’on pose, alors que ce qui est primordial, c’est le contact avec l’enfant ». En conclusion, pour Carine, il faut revenir aux fondamentaux, à l’amour : « Nous avons tout dans notre pays : une géographie avec de très beaux paysages, une histoire riche. Il en faut très peu pour réaliser nos rêves ; il s’agit d’œuvrer dans la bienveillance, en étant proches les uns des autres ». Le bonheur est dans le pot », place Saint-Pierre.
Frédéric et Hervé : de la bonté dans les Ressources humaines
Frédéric et Hervé ont créé un cabinet de conseil « Relations humaines » qui a pris le parti de mettre une plus grande dose d’amour et de bonté dans les relations humaines. Partant de l’observation que les entreprises qui résistent le mieux sont celles où l’élément humain est respecté, ils ont ainsi décidé de proposer des temps de « respiration » à des salariés, des personnes engagées dans des situations pesantes sur le plan professionnel. Ils proposent la mise en place d’un parcours de découverte du monde civil pour être plus à même de gérer cette écologie relationnelle indispensable dans la société d’aujourd’hui où les personnes sont déstabilisées dans des entreprises où le souci de l’humain est occulté.
Pour rejoindre la démarche
Pour rejoindre le mouvement, participer à la réflexion, préparer les assises du mouvement qui auront lieu les 15 et 16 novembre 2014, vous êtes invités à participer en contactant les responsables sur le site Ecologie Humaine
http://www.ecologiehumaine.eu/quest-ce-que-lecologie-humaine/
Pierre-Jean Arnaud- 10 avril 2014