C.Ramond: Les départements- la vertu

Tribune de Christophe Ramond : Les Départements: le prix de la vertu- Albi, le 29 janvier 2020
En 2020, C’est le 230ème anniversaire des Départements.
Un anniversaire qui interpelle. Certains avec une vision déconnectée des territoires estiment qu’il s’agit d’une institution archaïque, alors que la riche histoire des Départements a façonné une institution moderne, innovante et vertueuse, garante des solidarités humaines et territoriales. Pour cet anniversaire, parler de vertu n’est donc pas désuet. Parler de la vertu aujourd’hui, malgré les obstacles que rencontrent les Départements, est à la fois une évidence et un paradoxe. Une évidence, car ce mot est au cœur de l’exigence démocratique depuis toujours.
Sans vertu politique, la démocratie s’effondre et les populismes s’épanouissent.
Dans le Tarn, le Conseil départemental que je préside n’a d’ailleurs pas attendu l’Etat pour gérer au mieux les deniers publics et démontrer qu’il était vertueux. Car, chaque action, chaque euro dépensé, doit être un euro utile. Or, pour pouvoir mener ces politiques publiques vertueuses, nous avons besoin d’une vraie autonomie financière et d’un vrai levier fiscal.
Pour cela, il est indispensable de :

  • Garantir aux collectivités territoriales la liberté de faire varier leurs ressources fiscales afin de permettre l’accès de tous aux services publics, la modernisation de notre pays et de pouvoir veiller simplement à une adéquation fine entre nos recettes et nos dépenses.
  • Maintenir le lien entre fiscalité et territoire. Le pouvoir du vote des taux nous permet de faire face à une soudaine hausse de nos dépenses non compensées par l’Etat, en particulier dans le domaine social, RSA, APA, handicap et MNA. Or, en supprimant le vote du taux de la Taxe sur le Foncier Bâti, l’Etat anéantit notre autonomie fiscale.
  • Préserver le lien entre le citoyen-contribuable, son lieu de vie et les services qu’il reçoit.
    Nous avons besoin de confiance. La confiance est une vertu qui se cultive au jour le jour.
    Et c’est là qu’est le paradoxe :
  • Où est la vertu lorsque l’État poursuit son désengagement et accroît les responsabilités des collectivités locales. Aux 59 millions d’euros, non compensés par l’État, pour l’APA, le RSA au titre de la seule année 2019, combien va-t-il encore falloir mobiliser pour gérer ces dispositifs ?
  • Où est la vertu quand on décide unilatéralement de nous affecter une fraction de TVA en faisant peser le risque financier d’un retournement de conjoncture sur le Département. En cas de crise, comme en 2009, les départements pourraient ainsi voir leurs ressources chuter brutalement et leurs dépenses nouvelles augmenter.
  • Où est la vertu lorsque l’Etat présente un déficit abyssal tandis que les Départements prennent toute leur part à l’effort de redressement des comptes publics. Par ailleurs, le budget des collectivités territoriales, voté à l’équilibre permet de réaliser 70% de l’investissement public.
  • Où est la vertu quand l’Etat propose à juste titre l’augmentation de l’indemnité des maires des petites communes tout en ponctionnant le montant équivalent aux Départements et aux Régions ?
  • Où est la confiance lorsque depuis 2018, les relations entre le Gouvernement et les Départements semblent désormais s’imposer par la signature d’un contrat dans lequel l’Etat dispose ou sanctionne et fait de l’affichage sans mettre les moyens nécessaires pour répondre aux enjeux ? Les enveloppes dédiées ne représentent qu’une goutte d’eau par rapport aux 11 milliards d’euros de la dette de l’Etat envers les Départements. Le plan pauvreté se monte à 135 millions d’euros alors que le reste à charge du RSA est de 4,87 millions d’euros assumés par le Département.
  • Où est la vertu quand l’Etat a supprimé un impôt local, qui ne lui appartient pas plutôt que de remédier aux défauts de ses propres ressources ?
  • Enfin, où est la confiance, lorsqu‘en matière de mobilité, l’Etat nous impose le passage à 80km/h, puis ouvre la voie d’un retour aux 90km /h uniquement sur les routes départementales, tout en nous imposant des règles inapplicables et en oubliant notre capacité à limiter à 70km/h les zones dangereuses ?
    De fait, c’est une « recentralisation » qui est à l’œuvre au détriment de nos territoires au risque d’aboutir à terme à une concentration des richesses, des populations et donc à un déménagement à la place d’un aménagement territorial. C’est la porte ouverte à un nouvel épisode d’exode rural au profit des métropoles.
    La libre administration des collectivités devient désormais un simple mot, un slogan, une expression vide de sens. Pourtant chaque jour, nous sommes les gardiens du quotidien des habitants, porteurs de l’intérêt général de nos territoires. Dans de grandes Régions, le temps n’est plus à défaire mais à conforter les Départements, ces maillons de la République qui en assurent la stabilité et qui fondent la confiance avec nos citoyens. Nos territoires ruraux et la République ont besoin des Départements.
    Toutes nos politiques, toutes nos actions, sont pensées à l’aune du respect de notre environnement et de la protection de nos ressources.
    A l’instar du Tarn, les Départements sont nombreux à avoir développé une large compétence en matière environnementale. Le Département du Tarn s’efforce également de développer des pratiques nouvelles vertueuses. Nous avons été le premier Département à adopter la charte et un plan d’actions de lutte contre les perturbateurs endocriniens ou à s’engager pour un territoire « zéro plastique » avec l’engagement de le bannir notamment dans les restaurants scolaires dès 2020.
    Le Département est aujourd’hui un maillon essentiel dans l’organisation du territoire : haut débit, collèges, routes, soutien aux personnes âgées et handicapées, insertion, protection de l’enfance… Avec nos investissements, nous sommes également le premier soutien des Communes et des Intercommunalités. Dans le Tarn, plus de 400 projets vitaux pour notre territoire ont été soutenus en 2019 : écoles, maisons de retraite, équipements sportifs et culturels… Nous nous battons pour maintenir l’accès aux soins et faciliter l’installation des médecins sur le département.
    Nos politiques sont élaborées en partenariat avec les forces vives du territoire. Nous jouons un rôle de facilitateur pour aider dans un délai record des filières à faire face à des difficultés conjoncturelles telles que l’Ail Rose de Lautrec. Sans attendre un hypothétique soutien de l’Etat, nous avons mobilisé 700 000 € pour défendre les agriculteurs tarnais afin de lutter efficacement contre la fusariose. C’est cela aussi la proximité, c’est la réactivité afin de sauver et conforter les producteurs locaux !
    Les Français ne veulent plus de décisions prises d’en haut et applicables en bas. Ils veulent être entendus et compris. Ils attendent des solutions concrètes dans leur vie de tous les jours. Ils veulent des réponses locales. Ce qui est bon pour Paris n’est pas forcément bon pour le Tarn.
    Notre République s’est construite en rapprochant l’action publique des réalités quotidiennes. Lorsque je considère le bricolage de ces dernières années et que je me remémore l’essence de la décentralisation de 1982, je regrette la méconnaissance du territoire par les instances parisiennes. L’évidence est difficile à percevoir. Parfois un violent paradoxe la tire de l’ombre. Dans le fond, la vertu n’a pas de prix, elle est au cœur de l’exigence de nos concitoyens et ne souffre pas de compromis.
    Les Départements ne sont pas les adversaires de l’État, nous sommes aux côtés de l’Etat. Inspirons nous de la vertu que Montesquieu donnait à ce mot : « pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie, il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux ».
    Mais en tant qu’élu, acteur du territoire, je plaide : – Pour un nouvel acte de décentralisation : une décentralisation fondée sur la confiance et portée par une liberté de compétence et d’autonomie des moyens. Les Départements ont besoin de ressources propres.
  • Pour faire vivre simplement nos territoires, les moderniser en assurant en développement harmonieux sans miser uniquement sur les métropoles.
    Je m‘élève avec force :
  • Pour soutenir le Département vers ce chemin vertueux malgré les obstacles dont il est clairsemé.
    Christophe RAMOND- Président du Conseil départemental- Département du Tarn

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *