Graulhet : Julien Gaudinière et Florent Féral pour une schubertiade
Depuis quelques années, Gabriel Lemaire-Sicre poursuit sa quête culturelle dans le lieu original qu’il a créé : l’usine. Ses rendez-vous musicaux sont très prisés des mélomanes. Malgré la crise covidique, un public fidèle se rend à ces moments de musique qui nous font découvrir un répertoire classique et romantique. C’était le cas ce dimanche 10 octobre avec les deux pianistes invités Julien Gaudinière et Florent Féral qui nous ont offert de très beaux extraits de la littérature musicale de Schubert.
Schubert : amoureux transi de la comtesse Esterhazy
On a beaucoup écrit sur les relations sur les relations amoureuses entre Franz Schubert et la comtesse Caroline Esterhazy ; on sait que le compositeur est allé à deux reprises comme maître de musique chez les Esterhazy durant les étés 1818 et 1824. Il a donné des cours de piano aux deux filles du comte Esterhazy, Caroline et sa sœur aînée Marie ; on pense qu’il a plutôt exercé la fonction de répétiteur, car les deux jeunes filles étaient déjà de bonnes pianistes. C’est dans la pensée d’une interprétation par ces deux filles Estherazy ou par lui-même et Caroline Esterhazy que Schubert a composé la fameuse Fantaisie en fa mineur D940. Cette fantaisie qu’il a dédié à Caroline est le testament musical de Schubert ; « la forme fantaisie chez Schubert se caractérise entre autres, selon Ducros, par une « utilisation inhabituelle des silences » et selon Macia, le « caractère tragique » de cette œuvre est dû entre autres au fait qu’il s’agit là « d’une musique où les silences parlent autant que les notes ». »
De délicieux impromptus conclus par l’amitié
Après les 6 moments musicaux joués par Julien Gaudinière, le public a été conquis par les 4 impromptus D899 donnés par Florent Féral. Outre la Fantaisie D940, évoquée ci-dessus, il faut évoquer ces fameux 4 impromptus D899 qui constituent aussi la quintessence de l’art schubertien. Schubert reprend des thèmes qui lui sont chers ; il y a cette allusion au Wanderer, ce voyageur, ce vagabond mystique qui est seul face à son destin et qui se met en marche pour la vie. Florent Féral a sublimé ces morceaux lors d’une interprétation remarquable ; Schubert était donc là, présent, dans l’émotion palpable générant des applaudissements nourris. Mais les amis de Gabriel savent aussi partager ;à l’issue du concert, un goûter convivial leur a fait déguster en plus d’un Gaillac généreux, croquants, montecaos et bons gâteaux moelleux. Une amitié communicative que décrit le musicologue Tom Eastwood à propos de la musique de Schubert : « Schubert, plus que tout autre, a quasiment le pouvoir miraculeux de nous parler directement de telle façon que nous ressentons pour lui ce que nous ressentirions pour un ami proche et intime. »
Pierre-Jean Arnaud