« Je veux que vous soyez avisés en vue du bien, et sans compromission avec le mal. »
Message de Mgr Jean Legrez, archevêque d’Albi
À la veille des célébrations prévues pour la Sainte Cécile, patronne du diocèse d’Albi et de sa cathédrale, des attentats barbares ont été perpétrés à Paris. À ce jour 129 personnes y ont trouvé la mort et bien davantage encore de blessés, dont la vie d’un grand nombre demeure gravement menacée… Face à une telle horreur les mots nous manquent. Saisis par un immense émoi et subitement plongés dans un ténébreux cauchemar, connu jusqu’ici plus particulièrement du Proche Orient, il nous faut nous rendre à l’évidence la guerre désormais est ouverte sur le territoire de la France. Notre pays devient un des foyers du déchaînement terroriste déclenché par des extrémistes sans aucun scrupule à l’échelle de la planète entière.
La première réaction des croyants consiste à confier les défunts à la miséricorde divine et à exprimer une compassion affectueuse à leur famille et à leurs amis. Cette sympathie pour ceux et celles qui sont atteints dans leur chair a pu commencer à s’exprimer dès le lendemain, et davantage encore le dimanche suivant au cours des rassemblements dominicaux, où de nombreux catholiques ont supplié le Dieu miséricordieux d’accueillir les défunts en sa présence bienveillante et aimante, ainsi que d’accorder à leurs proches, si cruellement éprouvés, de garder l’espérance et la force de rester debout. Face à une telle violence criminelle, la Révélation nous apprend que la seule réponse juste s’est trouvée sur les lèvres de l’innocent crucifié : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Seule la prière peut obtenir pour les cœurs broyés par la douleur des sentiments semblables à ceux du Sauveur, cloué sur la croix.
Jamais un tel conflit mondial ne pourra être résolu par la violence. Tous les papes depuis la seconde guerre mondiale n’ont cessé, chacun à sa manière, de l’affirmer. Le Catéchisme de l’Église Catholique précise que : « Le bien commun implique la paix, c’est-à-dire la durée et la sécurité d’un ordre juste. Il suppose donc que l’autorité assure, par des moyens honnêtes, la sécurité de la société et celle de ses membres. Il fonde le droit à la légitime défense personnelle et collective » (CEC n° 1909). Par ailleurs, la légitime défense exige que « l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer » (CEC n° 2309). Le discernement, qui revient aux responsables politiques, nécessite de leur part un sens aigu de la justice et une prudence éclairée. Si, selon le Pape François, « il est licite d’arrêter l’agresseur injuste », de même, lors de l’angélus du dimanche 15 novembre 2015, il a dit : « Je tiens à réaffirmer que le chemin de la violence et de la haine ne pourra jamais résoudre les problèmes de l’humanité. Et utiliser le nom de Dieu pour justifier ce chemin est un blasphème ».
Le but de ces attaques folles est sans nul doute, selon le communiqué de Daech, de créer avec l’insécurité, la division entre les Français et l’opposition entre les religions. Loin de tomber dans ce piège les croyants condamnent ce carnage inhumain. Bien des responsables musulmans n’ont pas hésité à se désolidariser de ces actes atroces et à les condamner avec fermeté, invitant de manière pressante leurs jeunes à ne pas tomber dans cette idéologie mortifère, fabriquée par des extrémistes islamistes. Tous les croyants de diverses religions doivent s’unir et se prononcer avec clarté, afin de contribuer à faire taire les armes et à participer à la construction de la paix mondiale en invitant au respect de la dignité de chaque être humain, en développant la solidarité en faveur des plus démunis et en œuvrant avec les responsables politiques pour élaborer une culture de plus grande justice, afin d’éduquer à la paix les jeunes générations. Tenir compte de la dimension spirituelle de l’existence humaine, plutôt que de trop souvent la nier, pourrait aider à consolider le lien social dans un plus juste respect des différentes familles spirituelles. La réflexion et l’action de tous les hommes et les femmes de bonne volonté sont les meilleurs antidotes à la paralysie provoquée par le choc d’une telle tragédie et à la peur.
Vraiment, avant tout, l’heure est à la prière. Avec confiance il nous faut demander pour tous la force de ne pas céder à la haine, à la vengeance, au découragement, au pessimisme. Notre foi est ancrée dans la Résurrection du Christ. Désormais nous croyons à la victoire de l’amour sur toutes les puissances du mal et de la mort. En priant intensément la Mère de Dieu, donnée comme mère à tous les hommes par le Fils de Dieu du haut de sa croix, nous pouvons, comme à d’autres époques de l’histoire de l’humanité, obtenir le don divin de la paix. L’exemple de Sainte Cécile paisible et confiante à l’heure de son martyre, demeure riche d’enseignements aux heures dramatiques que vivent Paris, la France et le monde entier.
Pour que la confiance et le courage l’emportent sur la peur légitime ; pour que le respect de tout homme, particulièrement du plus fragile et du plus faible, s’installe durablement ; pour que la fraternité entre tous les courants de pensée deviennent une réalité quotidienne et que la paix puisse progresser, les chrétiens sont appelés à être de nouveaux Moïse. Ce patriarche commun à tant de croyants a su intercéder pour son peuple. Forts de l’espérance qui nous habite, tels des sentinelles veillant sur un monde fragilisé par la violence, veillons dans la prière et le jeûne, soyons des témoins de la tendresse miséricordieuse du Père, comme Jésus notre Sauveur.
« Je veux que vous soyez avisés en vue du bien, et sans compromission avec le mal.
Alors Dieu, sans délai, le Dieu de la paix, écrasera Satan sous vos pieds » (Rm 19, 19)
† Jean Legrez, o.p. ,Archevêque d’Albi