La GPA: il est urgent de la pénaliser
Source: FIGAROVOX/TRIBUNE – 15 mars 2016
Un rapport d’information de la commission des lois du Sénat souhaite le renforcement de la répression pénale de la GPA. Pour Christophe Blanchard, cette dernière est une pratique gravement attentatoire à la dignité humaine : il faut légiférer de toute urgence.
Auteur: Christophe Blanchard, agrégé des Facultés de Droit, Professeur à l’Université d’Angers et chercheur associé à l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris.
A l’heure où un rapport d’information de la commission des lois du Sénat souhaite le renforcement de la répression pénale de la GPA (Rapport d’information n° 409 – 17 février 2016), à l’heure où la réflexion sur les questions – dites sociétales – connaît un regain d’intérêt (Institut Famille et République, Le mariage et la loi, Protéger l’enfant, janvier 2016), à l’heure où le Conseil de l’Europe et la Conférence de La Haye vont travailler de concert à la réglementation de la GPA et où ce Conseil de l’Europe va voter (à huis clos) le rapport «Droits humains et questions éthiques liées à la gestation pour autrui», la droite française est désespérément silencieuse et, ce faisant, semble étrangement embarrassée par ces sujets.
Qui sera le porte-drapeau de la vision globale de l’être humain et de la société?
Faut-il ne voir en cette droite qu’un club d’économistes ou de fiscalistes? Peut-on légitimement espérer qu’il lui reste une vision du rôle des institutions et de la place de l’Etat, une politique culturelle, une ambition en matière d’instruction? A-t-elle encore une vision complète de la société et de l’être humain ou ne les considère-t-elle que comme un pouvoir d’achat? Ce qui revient à poser une question plus générale: reste-t-il à la droite un substrat intellectuel, idéologique, culturel, le seul apte à lui donner une vision universelle et à susciter l’aspiration?
C’est pourtant une condition indispensable si elle veut (mais le veut-elle?) préparer aujourd’hui les défis de demain en matière de famille, de parenté, de filiation, de procréation et notamment de la gestation pour autrui.
La pratique illégale de certaines associations
L’offensive est lancée depuis plusieurs années par des associations oeuvrant à la légalisation de la GPA en France. Certes son interdiction y est proclamée, mais curieusement, elle n’est pénalement sanctionnée que de manière indirecte par l’inconfortable simulation d’enfants.
Car l’offensive est lancée depuis plusieurs années par des associations oeuvrant à la légalisation de la GPA en France. Certes son interdiction y est proclamée, mais curieusement, elle n’est pénalement sanctionnée que de manière indirecte par l’inconfortable simulation d’enfants.
La GPA, une pratique gravement attentatoire à la dignité humaine
La pratique est pourtant gravement attentatoire à la dignité humaine, qui exige que la personne soit conçue comme une fin et non comme un moyen ou un instrument au service d’autrui. C’est pourtant de cela dont il s’agit (M. Fabre-Magnan, La gestation pour autrui, Fictions et réalité, Fayard). Dans la reconstruction du langage par les partisans de la GPA (M.- A. Frison-Roche, Sophistique juridique et GPA, Recueil Dalloz 2016, p. 85), la mère porteuse ferait acte de générosité en mettant à disposition ses facultés de gestation et en donnant un enfant au couple d’intention. Qui ne voit que la gestatrice n’est envisagée que pour sa fonction nidificatrice? Qui ne voit que donner un enfant (le grand oublié de ses débats), une personne, revient à les réduire à une chose? On sait aussi que ce sont les femmes les plus pauvres qui feront office de gestratrices, marquant le retour d’un impérialisme nauséabond où le corps des plus pauvres est au service des plus riches. Le criminologue pressent déjà les trafics de mères porteuses avec, par-delà le monde, des jeunes femmes parquées dans des «cliniques» sommées de «se mettre à la disposition» des commanditaires (nous disposons déjà d’un «retour d’expérience» avec le tourisme de transplantation, pour lequel d’ailleurs le dispositif répressif a été renforcé).
Une pénalisation autonome de la GPA
Une telle pratique appelle naturellement la protection du droit pénal avec une incrimination autonome de la GPA. On aura beau jeu de dénoncer une stigmatisation des victimes. Mais précisément qui est victime de quoi ?
La réthorique des zélateurs de la GPA présentent les parents d’intention comme les victimes d’un mal d’enfant et d’une législation trop rigoureuse. Or les véritables victimes sont ceux qui sont atteints dans leur dignité: la femme gestatrice et l’enfant. Et le droit pénal se donne précisément pour fin de protéger les personnes et leur dignité.
Dira-t-on que c’est peine perdue, car le désir d’enfant est si puissant que les parents iront à l’étranger faire ailleurs ce qui est interdit ici pour faire reconnaître ensuite leur filiation? L’argument semble porter et pourtant il ne tient pas.
Le grief d’ineffectivité de la pénalisation ne tient pas: le droit pénal dessine les contours du licite et de l’illicite
Enfin, le grief d’ineffectivité de la pénalisation est singulièrement court et absurde. A le supposer vrai, il reviendrait à considérer que le vol, pénalement sanctionné depuis plusieurs siècles, continuant d’être commis, il ne serait plus compris par le corps social, conduisant instamment à l’abroger.
D’abord, il réduit abusivement la pénalisation à la seule prévention. Or l’infraction est d’abord là pour sanctionner ceux qui passent à l’acte. Plus fondamentalement, le droit pénal, et la sanction qu’il porte, signale que le comportement est réprouvé par la société et manifeste ainsi l’indicible: les valeurs qui donnent son âme à la société. En les exprimant et en les défendant, le droit pénal assure une fonction expressive. Il n’obéit pas d’abord à la volonté de faire disparaître une pratique ou un comportement, mais à celle de dessiner le licite et l’illicite, à la volonté de dire que tel comportement n’est pas conforme à l’idée que le corps social se fait de la dignité humaine. Que le comportement incriminé perdure est indifférent, seul compte le jugement porté sur l’acte au regard des valeurs constitutives de la société.
Enfin, le grief d’ineffectivité de la pénalisation est singulièrement court et absurde. A le supposer vrai, il reviendrait à considérer que le vol, pénalement sanctionné depuis plusieurs siècles, continuant d’être commis, il ne serait plus compris par le corps social, conduisant instamment à l’abroger.
Conclusion: pénalisons la GPA
Puisque la GPA est une pratique gravement attentatoire à la dignité humaine, soyons cohérent, passons des discours à l’action, et érigeons la GPA en infraction autonome. Un livre nous a été récemment proposé se donnant pour thème La France pour la vie. Prenons le pari! Mais celui d’une vie qui ne saurait naître au mépris de la dignité d’autrui